Il était dit qu’il serait difficile d’échapper au football en ce mois de juin. La Cour de cassation elle-même n’a pas manqué de se saisir de ce contexte de coupe du monde pour rappeler à l’ordre les parieurs trop audacieux.
Dans une décision rendue le 14 juin 2018 (n°17-20.046), soit quelques heures avant que les premiers coups de sifflets résonnent sur les terrains russes, la deuxième chambre civile a refusé de reconnaître la responsabilité d’un joueur de football professionnel qui, par sa position de hors-jeu, aurait privé un parieur d’un gain de chance de remporter son pari. Un bref rappel des faits et de l’argumentation du demandeur au pourvoi s’impose avant de pouvoir mieux cerner la portée de cette décision.
L’argumentation reposant sur la perte de chance
En septembre 2010, un parieur valide une grille de jeu « loto foot » dans laquelle il s’engage sur le pronostic de 14 matchs de football. A l’issue des différents matchs, il obtient 13 résultats pertinents sur 14. Loin d’accepter cette défaite, il décide d’assigner le joueur professionnel avant-centre international ainsi que son club. Comme il prend bien soin de le rappeler dans son pourvoi, il considère que c’est le « positionnement grossièrement hors jeu de plusieurs mètres » qui a conduit au résultat final du match et qui lui cause une perte de chance de gain. Ainsi, selon son argumentation, la violation de la loi 11 édictée par la Fédération internationale de football (pour un rappel de la règle de hors jeu par la FIFA) pourrait conduire à retenir la responsabilité civile d’un joueur.
L’action est donc audacieuse, car le parieur considère ici que cette seule faute sportive du joueur peut être considérée comme une faute civile au sens de l’article 1240 du code civil (encore 1382 dans la cause) et conduire à engager sa responsabilité. Cette responsabilité est d’autant plus singulière qu’elle ne vise pas le préjudice causé à d’autres joueurs, mis en danger par la violation de la règle de jeu, comme l’illustre fréquemment la jurisprudence, mais une personne extérieure au terrain : le parieur.
L’importance d’une faute portant sciemment atteinte à l’aléa
La Cour de cassation, comme avant elle la cour d’appel de Riom, ne se sont pas laissées convaincre par le jeu audacieux de ce parieur. L’attendu de principe témoigne ici d’une volonté de freiner pour l’avenir de telles tentatives contentieuses en cas de résultats infructueux suite à un pari sportif.
En effet, la deuxième chambre civile prend soin de préciser avec fermeté que « seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son club, à l’égard d’un parieur « .
Par cette décision, la Cour de cassation refuse de protéger civilement le sportif qui a truqué le cours du jeu et par là même le cours des paris sportifs.
En revanche, de manière relativement prudente, mais sans doute nécessaire, elle refuse de transformer une simple faute de jeu en faute civile susceptible de conduire à l’indemnisation d’un ou de trop nombreux parieurs.